La préparation pour la Diagonale des Fous
Fort de mon expérience depuis l’Endurance Trail des Templiers de Millau, je sais ce qu’il me reste à faire pour préparer la Diagonale des Fous. Pour rappel, les bâtons sont interdits là-bas et je vais affronter beaucoup de « premières fois » :
- 100 miles ;
- plus de 10000 mètres de dénivelé positif ;
- Courir seul (sans connaissance avec moi) ;
- Très peu d’encouragements (à part Caroline) ;
- Dormir pendant la course.
Les statistiques
Je débute ma préparation spécifique le lundi 18 juillet 2022 suite à une période de récupération active après avoir terminé le Chtriman. Cela fait 13 semaines de préparation comparativement à celle pour Millau où je m’étais préparé à partir de 30 août 2021 soit en 7 semaines. Alors pour comparer ce qui est comparable, je vais sélectionner les 7 dernières semaines de ma préparation pour la Diagonale des Fous. Je vous présente donc les statistiques entre ma préparation pour l’endurance Trail de Millau et la Diagonale des Fous :
Les sports | En 2021 | En 2022 |
Trail | 31h12 | 34h48 |
Course sur route | 15h12 | 17h20 |
Course sur tapis | – | 9h30 |
Marche | 16h35 | 8h42 |
Randonnée | 7h01 | 6h16 (avec leste de 8 à 12 kg) |
Musculation | 8h34 | 13h15 |
Totaux | 78h34 | 97h51 |
Les différences sont que globalement j’en ai fait un peu plus à chaque fois (hormis la marche). Ce qui me faisait le plus peur était l’absence des bâtons. J’ai donc beaucoup plus axé ma préparation sur le renforcement avec plus de musculation mais surtout de la randonnée avec du lest allant de 8 à 12kg. Au final il y a environ 20 heures de plus ce qui n’est finalement pas négligeable.
À cela je n’ai pas ajouté les séances vélo + VTT + Home trainer + natation + Yoga.
Le volume horaire des entraînements pour la Diagonale des Fous
Voici également ce que cela représente en volume horaire durant ces 7 dernières semaines :
Coachtripassion
Une fois qualifié, je me suis également rapidement équipé du matériel obligatoire. Ainsi je me suis entraîné le plus possible avec tout cet équipement et surtout j’ai pu faire face à toutes sortes d’imprévus : Comme l’emplacement du matériel dans le sac. Ou encore le matériel secondaire pas si inutile que ça… Si je peux aussi vous donner un conseil sur l’équipement, c’est de prévoir une poche à eau et des flasques de secours. Dans mon cas cela a été très utile puisque le jour de la remise du dossard, ma poche dorsale s’est percée. Heureusement que j’avais de quoi la changer au logement.
L’organisation du voyage
Pour obtenir mon dossard, je suis passé par le tirage au sort et avec justification de 85 points (pour plus de détails concernant les modalités d’inscription suivez ce lien). Il y a 3000 dossards répartis comme suit :
- Pour les compétiteurs locaux au tirage au sort, 1250 places ;
- 1250 places pour les compétiteurs français non-résidents à La Réunion (300 au tirage au sort et 950 par la vente de packages) ;
- 250 places pour les étrangers non-résidents à La Réunion, hors tirage au sort ;
- Et enfin 250 places réservées aux partenaires du Grand Raid.
Une fois le mail reçu comme quoi j’étais sélectionné (fin mars) je me suis penché sur la recherche des logements, avions et location de la voiture.
Petits conseils, faites toutes ces recherches en « navigation privée » ainsi vos visites sur différents sites d’agences ne sont pas tracés et les prix ne bougent pas en pleine navigation. Par ailleurs, effectuez vos recherches en journée et durant les jours de la semaine. Les prix ont tendance à augmenter le soir et les weekends car ce sont des moments où nous avons plus de temps libre pour réaliser ces recherches. Et enfin faites vos réservations le plus tôt possible.
La diagonale des Fous ou le Grand Raid
Remise du dossard
Afin de faciliter le retrait de votre dossard, l’organisation prévoit de faire cela par vagues. Pour les participants de la Diagonale des Fous c’est le mercredi matin dès 7h. Nous arrivons à 7h et il y a déjà une file d’attente énorme. On attend environ une heure pour entrer dans la zone de vérification du sac, puis de la distribution du dossard et de la remise des t-shirts.
Par la suite on attend de nouveau une heure si jamais vous souhaitez recevoir tous les cadeaux des sponsors.
Mon conseil : venez avec votre sac rempli d’eau afin de ne pas vous déshydrater ce jour là. De même, mettez de la crème solaire et protégez-vous bien la tête des coups de soleil.
Derniers préparatifs
Durant la journée du jeudi, je vérifie une dernière fois mon sac de trail et les sacs perso. Une séance de yoga et une bonne sieste. L’organisation prévoit d’ouvrir l’entrée dans la zone de départ à partir de 17h. Je ne savais pas pourquoi ils faisaient cela aussi tôt en sachant que le départ est prévu à 21h et 21h10 pour moi puisque je suis dans la deuxième vague. J’ai eu l’explication par un ancien participant :
« Avant c’était un départ en masse start, c’est à dire que les 3000 athlètes partaient tous ensemble. Donc plus tu arrives tôt et plus tu es devant évitant ainsi les bouchons dans les premiers singles tracks. »
Avec le système des 5 vagues, l’intérêt de venir tôt n’est plus trop d’actualité et je me suis fait avoir sur ce point. Autre déconvenue, les accompagnateurs ne peuvent pas rester à proximité des barrières. Pour une raison inconnue, des « flics bénévoles » nous demandent de nous écarter des barrières ainsi qu’aux accompagnateurs. C’est assez triste comme comportement mais on joue le jeu avec Caroline en restant chacun à 2 ou 3 mètres de la barrière mais en continuant de discuter. Mon conseil : n’entrez pas trop tôt ça ne sert plus à rien.
Dans la zone de départ
Enfin j’ai vu des personnes entrer avec des cartons. J’ai vite compris pourquoi puisqu’à la tombée de la nuit ils se sont couchés dessus pour faire une dernière sieste. C’est une bonne idée et je vous le recommande, toutefois je pense que cela sera prochainement interdit pour avoir entendu des discussions entre membres de l’organisation.
Pourquoi ?
C’est très simple, je n’ai pas vu une seule personne jeter dans les bennes leur carton ! Ils ont laissé leur m…. là sur place avec des bouteilles d’eau laissant la zone de départ remplie de détritus. Quand on voit l’accueil des bénévoles c’est dommage de considérer qu’ils sont là pour ramasser vos cochonneries !
Vient ensuite la valse des départs qui est très bien orchestrée. Une ambiance de « fous », avec de la musique, des chants, un public motivé et chaud comme la braise. Difficile de faire plus motivant. Le stress s’envole et laisse la place à l’excitation du départ.
C’est parti pour la Diagonale des Fous
Première nuit
Les premiers kilomètres sont très simples. Du bitume et une foule immense qui vous encourage durant 10 kilomètres. Je tape dans un maximum de mains, c’est vraiment unique.
Ensuite on attaque le premier sentier avec le début des singles. Malgré les vagues on est en file indienne et on marche. Compte tenu du fait que j’ai été trop vite au départ, ce n’est pas grave. Je me repose de cette façon.
Pour la suite on est complètement dans le noir. On ne voit pratiquement rien hormis durant les ravitaillements. La nuit est chaude et avec tout le repos que j’ai accumulé, elle se passe plutôt bien.
Mare à boue
Au lever du soleil j’entends les oiseaux chanter et les rayons chauds me donne envie de courir. Je suis en forme mais j’ai à peine le temps de profiter des paysages que la pluie s’invite juste avant le ravitaillement de Mare à Boue.
Je prends froid au ventre et je sens que ce n’est pas très bon. Arrivé au ravitaillement, l’organisation n’avait visiblement pas prévu la pluie non plus. Il n’y a qu’une seule tente pour le ravitaillement et on est tous en dessous pour s’abriter. Il est difficile d’aller se ravitailler. Après un long moment pour y parvenir, je mange et bois pour reprendre des forces. Un petit tour aux toilettes et je me change intégralement pour affronter « le bloc » sous la pluie.
Le bloc
C’est le plus long et le plus gros morceau de la Diagonale des Fous. Plus de 2400 mètres de dénivelé positif et même si la pluie s’est arrêtée, les nuages sont bas et on ne voit pas grand chose. À cette altitude il est moins facile de respirer alors je marche au ralenti. Une fois en haut, le spectacle ne permet pas d’y rester puisque je ne vois qu’un nuage devant moi. Je commence la descente vers Cilaos où Caroline m’attend.
Cilaos
Ce ravitaillement fait du bien au moral car depuis le début je suis soit dans le noir soit dans le brouillard. Je prends le temps de prendre un repas chaud et je fais le plein de mon sac en changeant toutes mes affaires. Je recharge également ma montre et un peu mon téléphone. J’avais initialement prévu de tout filmer avec une caméra mais celle-ci n’a pas aimé les vibrations. J’ai donc filmé et pris des photos avec mon téléphone, mais la batterie s’est vite déchargée et c’est un outil de sécurité important. Alors finalement j’aurai plus de souvenir dans ma tête.
Sentier de Thaïbit
Après 15 minutes de repos je repars pour le sentier de Thaïbit. Par rapport aux autres côtes, ce n’est pas la plus terrible mais après ce sentier on sait que toute aide et assistance sera impossible. Cela fait un peu froid dans le dos. Il faut être sûr de soi et de sa capacité à aller jusqu’au 130ème kilomètres sans qu’aucun secours ne puisse venir m’aider sauf en cas de grosse chute nécessitant l’intervention d’un hélicoptère.
Mafate
Voilà j’y suis et je suis confiant, pas de bobo, pas de fatigue ou de douleur. Je me dirige vers ma deuxième nuit sans crainte. Je rencontre d’ailleurs quelques athlètes avec qui je discute. Cela fait passer le temps. Nous approchons de Grande Place. Un ravitaillement où l’on peut dormir et où les bénévoles vous réveillent en fonction de la demande.
Je suis à ce moment avec Christophe, on convient qu’il prenne la dernière place restante sous la tente spécifique où les bénévoles nous réveillent. Moi je vais dormir sur un lit de camp à l’extérieur de cette tente et en sortant nous convenons qu’il vienne me réveiller dans 30 minutes.
Première fois que je dors sous une couverture de survie et je suis tellement crevé que je ne tarde pas à m’endormir sans vérifier l’heure où je ferme les yeux.
À mon réveil j’ai comme l’impression que Christophe est déjà reparti. Je vérifie auprès des bénévoles qui me le confirme. (Plus tard, quand je le rattraperai il me dira ne pas m’avoir trouvé et il ne voulait pas réveiller tout le monde en criant mon prénom). Dommage, j’avais mis mon dossard aux pieds pour qu’il me retrouve… C’est donc 1h40 que j’ai dormi. Oups, ça fait beaucoup. Perdu pour perdu, je prends le temps de manger et de remplir le sac et je repars.
Deuxième lever du jour
Autant vous dire que je me sens en superbe forme. J’ai super bien dormi et je cours vite et bien. Le lever du soleil me donne encore plus d’énergie et cette fois-ci il va faire beau. J’ai l’impression d’être autant en forme qu’au départ. C’est grisant mais attention à cette sensation. Je me régule pour ne surtout pas céder à l’euphorie. Mon objectif est de rejoindre le ravitaillement « Les Deux bras » sans encombre. Ce lieu est le signe que je peux éventuellement avoir une assistance et il ne restera que 36 kilomètres.
Pour atteindre cet objectif il faut composer avec pas mal d’erreurs de distance entre les ravitaillements. Sur notre dossard il y a les distances entre chacun d’eux et c’est avec systématiquement 1 à 3 kilomètres de plus que l’on trouve les ravitaillements. Par la suite je demande aux bénévoles la distance qui nous sépare du ravitaillement suivant. Ils sont mieux informés que nous des modifications apparemment et ça aide. Sauf pour celui qui sépare « La Roche Plate » et « Les Deux Bras ».
Les Deux Bras
Sur le dossard c’est indiqué 12 kilomètres. Un bénévole me dit 14 kilomètres. Sur le terrain c’est 17 kilomètres. Sur ce transfert je suis à sec en eau et nourriture. J’arrive au ravitaillement « Les Deux Bras » bien fatigué et énervé. Je décide à ce moment là de ne plus faire confiance aux bénévoles, à l’organisation, à plus personne, quoi qu’il arrive je remplis mon sac à 100% de sa capacité.
La côte du « Dos d’âne », une horreur
C’est de loin la plus terrible car ce n’est pas une simple côte. On passe plus de temps à grimper. Alors ce n’est pas de l’escalade comme les puristes peuvent le faire. Mais quand je vois devant moi des échelles, des cordes, des câbles et que le compteur de D+ augmente plus vite que le nombre de mètres, c’est que ça grimpe fort. L’erreur de ravitaillement et cette difficulté met à mal ma motivation. Arrivé en haut de cette ascension je n’étais pas au top de ma forme et plutôt énervé.
Regain d’énergie, le « flow »
C’est alors, et je ne sais pas comment, que je parviens à canaliser cet énervement. Je me mets à sourire et à chanter (doucement) et finalement la descente se passe à merveille. Plus aucune douleur ni de fatigue, je viens d’atteindre un état de « flow« . J’y travaille depuis quelque temps et la Diagonale de Fous m’a permis d’y parvenir et j’espère pouvoir le reproduire… C’est tellement grisant, c’est comme de l’euphorie mais totalement maîtrisée. J’arrive à la « Possession » et je n’ai pas vu le temps passer.
Ravitaillement « La Possession »
Il fait désormais très chaud. Comme à chaque ravitaillement je fais le plein en eau et nourriture sans oublier de manger comme un ogre avant de repartir avec mon café. J’ai totalement humidifié mon t-shirt et ma casquette. Je suis toujours bien, prêt à affronter le chemin des Anglais.
Chemin des Anglais
Ce chemin est constitué de pavés en roche volcanique posés plus ou moins de manière à former un chemin. Si c’était bien posé, le chemin serait relativement facile à emprunter mais ce n’est pas la marque de la maison. Mieux vaut ne pas louper un pavé sinon c’est une cheville foulée assurée. Sur ce type de terrain ce n’est pas la montée le plus difficile mais bien la descente. La route n’est pas longue pourtant jusqu’au prochain ravitaillement mais ça n’avance pas. Le « flow » est parti aussi.
La Grande Chaloupe et dernier dodo sur la Diagonale des Fous
J’arrive à la Grande Chaloupe et il est environ 18 heures. Je me dis que je vais faire une sieste de 20 minutes avant d’attaquer la dernière montée pour faire la descente de nuit. Je place mon téléphone à côté de l’oreille en programmant 18h30. À peine ma tête posée sur le lit de camp je m’endors. Réveil naturel ce qui n’est pas bon signe car il fait nuit. Je regarde mon téléphone et je vois 19h. Ce n’est pas possible, j’ai encore loupé mon réveil ! Hop ni une ni deux, je repars.
Dernière côte
Quelle est longue celle-là et de nuit c’est encore pire. Je dois rester attentif tantôt en regardant où je pose mes pieds et tantôt à regarder les repères pour ne pas me tromper de chemin. Sur la fin je trouve un petit groupe et ça m’aide bien car ma lampe frontale commence à donner des signes de fatigue aussi. J’espère qu’elle va tenir pour la descente…
Colorado et la descente
Dernier ravitaillement et un bénévole me lâche : « n’oubliez pas de mettre votre t-shirt officiel » !
Mais de quoi il parle ? Il me rappelle l’article 7 de la réglementation de la Diagonale de Fous qui stipule que je dois avoir le t-shirt fourni par l’organisation de l’avant dernier poste de ravitaillement à la ligne d’arrivée. D’ailleurs j’aurais dû l’avoir aussi au départ. Sinon c’est 1h de pénalité comme indiqué à l’article 17. Donc ATTENTION, si un jour vous décidez de faire cette épreuve lisez bien toute la réglementation.
Petit moment de panique où j’envoie des SMS à Caroline pour qu’elle me trouve un t-shirt pour me dépanner à l’arrivée. Le tout en me déplaçant dans une descente où je passe plus de temps à sauter de rocher en rocher le tout avec une frontale qui m’éclaire à moitié et une lampe de secours qui a plus besoin de pile de secours que moi. Caroline me demande combien de kilomètres il me reste pour évaluer le temps qui lui reste pour me trouver un t-shirt. Il me reste 2 kilomètres ! Double panique pour elle mais je la rassure en lui précisant que cela va me prendre 1h30 pour les faire. Compte tenu de la technicité de la descente ça va être long. Ouf, quelques minutes plus tard Caroline m’indique où je peux la retrouver avec un t-shirt.
Je finis la descente avec un couple de trailers qui m’aide avec leur éclairage plus puissant que les miens.
Je finis ainsi, en hurlant ma joie de finir cette Diagonale de Fous, ça c’est fait !! À l’écriture de ces lignes, je réalise à quel point cette épreuve est difficile et quand j’y repense encore il m’arrive de me demander : « mais comment j’ai fait ça ?!«
Remerciements
Comme vous avez pu le voir, durant l’épreuve je ne pouvais pas répondre à vos messages. Caroline me donnait des news de certains messages et je savais qu’un flux constant d’encouragements arrivait. Cela me faisait du bien et vous lire à mon arrivée m’a très vite donné le sourire. Donc je vous remercie beaucoup pour votre soutien.
Merci à Eddy Beullard, Stéphane et Barbara Pouzet pour leurs conseils sur le déroulement de cette épreuve mais aussi sur l’aspect accompagnement. Ne partez pas là-bas sans lire des articles, regarder des vidéos et surtout sans consulter des ami(e)s qui ont participé à la Diagonale des Fous, leurs conseils sont des mines d’or.
Merci à mes sparring partners qui sont Guillaume (spécialiste des 25 bosses) et surtout Louison avec qui je partage beaucoup d’entraînements. Leur engagement, conseils et mots sont une grande source motivation pour moi.
Je ne peux finir ces remerciements sans parler de Caroline qui me suit et m’a de nouveau suivi dans cette aventure. Une semaine de voyage et de stress tout en m’encourageant et à être là au moment où il fallait. Support logistique pour le matériel, même à la dernière minute. Regard extérieur pour relativiser sur ma forme. Sans oublier les photos et les vidéos et le tout avec un large sourire. Un grand merci mon amour !