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Un ultra trail pour finir la saison 2015

Ultra trail de Millau 105 kmLa fin de la saison 2015 approche et pour finir en beauté il me reste l’Endurance trail de Millau, soit 100 kilomètres (105 kilomètres pour être précis) et environ 4500m de dénivelé positif.

httpv://youtu.be/cxGNQxNeg14

Il me reste une semaine d’affûtage et je surveille avec attention mon état physiologique et physique. Après avoir réparé ma montre Polar (et je ne remercie pas Polar pour son aide) j’ai pu reprendre l’analyse de mes battements de cœur grâce à l’interprétation de la variabilité de ma fréquence cardiaque. Comme vous pouvez le voir sur ce diaporama mon affûtage au niveau cardiaque se passe bien…

 

Comment ça vous ne voyez pas ? Mais si regardez la valeur de mon RMSSD, il augmente au fur et à mesure. Bon d’accord, prochainement je vous ferai une petite vidéo pour vous expliquer en détail… Mais comme le dit Frédéric Sultana (un collègue et ami coach) ce n’est pas tant l’amélioration du RMSSD qui est importante sur un ultra trail mais bien la capacité musculaire. Et je suis parfaitement d’accord avec lui, c’est pourquoi je surveille aussi l’évolution de ma récupération physique grâce à un appareil (le Myotest). Comme vous pouvez le constater sur ce nouveau diaporama, tout va pour le mieux aussi de ce côté et peut-être même mieux car normalement, à mon meilleur niveau cardiaque, je monte à 103 ms de RMSSD, or là je n’ai obtenu qu’un petit 82 ms.

Sur ces deux images on constate facilement que sur les trois derniers jours, je gagne en puissance grâce à une amélioration de ma force mais également de ma vitesse.

En d’autres termes, je suis en grande forme, tous les voyants sont au vert, il ne me reste plus qu’à assurer en faisant attention à bien gérer mon alimentation et ma tactique de course.

Voici en détail ma journée de 26 heures du vendredi 23 octobre 2015 :

L’heure du départ est à 4h15 du matin, rien que cela est déjà une épreuve pour moi. Je ne suis pas un gros dormeur mais j’aime bien dormir ; mais ce n’est pas le pire : comme une partie du parcours se passe sur la route, celle-ci est interdite d’accès une heure avant le départ. Donc si on ne veut pas se retrouver bloqué à plus de 2 kilomètres du lieu de départ, mieux vaut arriver avant 3h15 (merci Guillaume pour cette information). Reste à déterminer l’heure à laquelle nous devons prendre la route. Sachant que nous avons 45′ de trajet en voiture, qu’il nous faut environ 15′ pour trouver une place et qu’il me faut en général une heure pour émerger de mon sommeil, le réveil est donc programmé pour 1 heure du matin !

La dernière nuit est donc très courte car même en me couchant plus tôt que d’habitude, je ne me suis pas endormi immédiatement. Ce n’est pas grave, ce n’est pas la dernière nuit qui compte, ce sont les précédentes, et elles furent toutes bonnes. Driiiing, c’est l’heure du petit déjeûner. Toutes mes affaires sont déjà bien rangées à côté du lit dans l’ordre de façon à ce que je puisse m’habiller dans la pénombre mais surtout pour éviter d’avoir à réfléchir dès le matin. Avec Christophe (mon beau-frère, celui avec qui j’ai parlé de cet ultra-trail pour la première fois autour d’un verre…) nous partons comme prévu et arrivons sur le parking le plus proche du départ. Nous sommes pratiquement les premiers sur place sans compter ceux qui ont passé la nuit sur le parking. Nous sommes en avance mais sereins et pour notre premier ultra trail, c’est important.

4h15, le départ est donné et nous partons en trottinant au milieu d’un peu plus de mille traileurs. À peine quelques minutes plus tard, premier fait de course, Christophe sent comme du liquide couler le long de ses jambes. Alerte, sa poche dorsale vient de s’ouvrir et toute l’eau qu’elle contient se déverse sur la route. Dans la mesure où le prochain ravitaillement se trouve à 18 kilomètres, mieux vaut s’arrêter pour remettre la poche correctement en place. Rien de bien méchant mais on croise les doigts pour que la journée ne soit pas une succession de petits soucis comme celui-là. La course se poursuit et nous arrivons sur la première côte. Les bâtons sont interdits pour celle-ci et c’est amplement réalisable sans. Nous arrivons ensuite au premier mono-trace et là, première surprise pour nous, nous devons nous arrêter pour attendre notre tour. La densité est telle qu’il est difficile de se frayer un chemin. Nous sommes ralentis voire totalement à l’arrêt parfois. Est-ce une bonne chose ? Cela nous a-t-il permis de tenir plus longtemps sans fatigue musculaire ? Difficile à dire, mais sur le moment c’est frustrant. Nous courons dans la nuit, et dans la succession de descentes et de côtes nous apercevons les serpentins de lumières sur flan de montagne et cela donne une effroyable beauté de la difficulté qui nous attend. Premier ravitaillement, nous nous sentons bien, nous remplissons nos bidons d’eau et repartons.

Le prochain ravitaillement est au kilomètre 34. Durant ce trajet nous verrons le jour se lever annonçant une belle journée. Les côtes deviennent plus techniques et dangereuses. J’ai sorti depuis un moment déjà mes bâtons et les utilise le plus possible pour soulager les muscles des jambes qui auront fort à faire tout au long de cette journée. Je pousse le plus possible dans les côtes et prend appui dessus dans les descentes. Nous arrivons au second ravitaillement sans aucun signe de fatigue. Nous prenons malgré tout le temps de bien nous ravitailler avant de repartir.

Le prochain point de repos sera au kilomètre 44 et pour y parvenir nous devons passer la côte la plus haute de cet ultra trail (> 900m). Le dépaysement est total, les senteurs de l’automne m’envahissent, je suis bien et même si les difficultés s’enchaînent sans relâche le physique tient bon. Troisième ravitaillement, Corinne et ses enfants nous attendent (la famille de Christophe) pour nous encourager et nous apporter le support technique. J’en profite pour changer de tenue et de chaussures. Nous commençons également à recevoir de plus en plus de soutien par SMS, ou des appels ou encore des messages sur Facebook. Beaucoup de monde nous suit et nous soutient. Cela nous donne beaucoup de force. Nous avons pris un peu plus notre temps à ce ravitaillement car le prochain est 20 kilomètres plus loin et c’est sur ce tronçon de course qu’il y a le plus de dénivelé positif. Mieux vaut être reposé et avoir les bidons remplis.

À ce moment de la course, une fatigue générale s’installe doucement, mais musculairement ça va encore. C’est à l’issu de ces 20 kilomètres, avec l’enchaînement des montées à plus de 15% et des descentes techniques que mes muscles commencent eux aussi à être fatigués, pas totalement exténués mais chaque descente devient délicate et l’utilité des bâtons est plus qu’utile. Le prochain ravitaillement est moins loin, en apparence, car même si les 5 premiers kilomètres sont avalés en 24 minutes, nous mettons plus d’une heure pour les 5 suivants.

C’est sur la fin de ce tronçon de parcours que mon estomac me joue un tour que je ne connaissais pas. Il s’apparente beaucoup à une indigestion de sucre couplée à une déshydratation, c’est d’ailleurs ce que j’ai estimé durant la course. Je suis très étonné compte tenu de mon dosage millimétré en sucre et de mon apport hydrique qui me semblent corrects. Dans cette situation je ressens mon estomac se nouer et la digestion est tellement ralentie que l’apport énergétique n’arrive plus assez rapidement dans mes muscles. Je ne peux également plus ingérer quoi que ce soit sous peine de vomir. Il me faut donc boire de très petites quantités d’eau et courir au ralenti comme une séance d’entraînement à jeun, sauf que cette fois-ci elle va durer très longtemps. Arrivé au ravitaillement je bois un verre de soupe au vermicelle. Le goût salé et la sensation de chaleur font énormément de bien à mon estomac qui se débloque quelque peu. Mon manque de lucidité m’empêche de comprendre que c’est le manque de variation dans le choix de mon hydratation qui est en fait la cause de mon problème. Ne boire que de l’eau ou de l’eau très légèrement sucrée au point de ne même pas sentir qu’elle est sucrée a conduit mon estomac à en avoir assez de ne boire que ça. Cela fait plus de 13 heures qu’il ingère ce breuvage et qu’il doit le digérer non-stop et lui aussi est fatigué, il s’est donc arrêté de le faire. Nous sommes au kilomètre 75 et la suite sera moins rapide, c’est une certitude, heureusement nous avons de l’avance.

Nous avons très exactement 5h20′ pour ne pas être hors délai au prochain ravitaillement et sur papier nous devons parcourir 15 kilomètres dans cette fenêtre de temps. Même en marchant c’est du domaine du possible. Passé cet avant dernier point de course nous ne sommes ensuite plus limités par le temps, il est primordial d’arriver avant 22h35′. Sur ce parcours, la dénomination d’ultra trail commence à prendre tout son sens. Je suis en mode « low sugar » et mes muscles me lancent des décharges électriques qui parcourent tout le corps à chaque pas dans les descentes. Une séance d’électro-stimulation sans appareil est donc possible. La nuit tombe et ma montre s’éteint avant moi. Plus de batterie, elle n’a aucune volonté cette montre ! La fatigue psychologique se fait également sentir. On traverse des périodes d’énervement et de lassitude, mais ça passe, faut pas lâcher et rester vigilant car la chute guette à chacun de nos pas. Les descentes sont techniques avec un terrain en devers à plus de 15% et des cailloux qui se dérobent sous nos pieds. Sans montre, impossible de savoir combien de kilomètres il nous reste mais ça nous semble bien long et pour cause : après quelques discussions avec nos compagnons de route l’un d’entre eux nous indique 17 kilomètres, un peu plus loin nous en sommes à 18,5 kilomètres. Finalement c’est un parcours de 19 kilomètres avec une barrière horaire qui, elle, n’a pas changé. Nous sommes arrivés avec 35 minutes d’avance ! Ouf nous y sommes, dernier ravitaillement, il nous suffit désormais de gérer nos douleurs et de faire attention de ne pas nous blesser et c’est dans la poche. Quelques minutes de repos puis je me dirige vers le ravitaillement… « Comment ?! Il n’est pas là ? Il n’y a qu’un point d’eau ici. Il est où alors ? J’aimerais boire une petite souplette moi. » À ce moment, un bénévole pointe son doigt vers le haut et m’indique que l’on doit parcourir 3 kilomètres de côte avant de pouvoir se ravitailler en boisson chaude et aliment solide !

Si je résume, nous avons parcouru déjà 4 kilomètres de plus par rapport à ce qui était indiqué, mais il faut encore parcourir 3 kilomètres pour espérer boire quelque chose de chaud. C’est donc un total de 22 kilomètres que nous devons parcourir, c’est le tronçon le plus long et il a été placé sur la fin de parcours. Il faut la mériter cette course, alors on rassemble nos forces et on repart. À ce niveau de la course, ils ne peuvent plus nous surprendre ? (c’est du moins ce que l’on pensait…). Cette dernière côté est très raide, avec beaucoup de cailloux instables, à moins que ça ne soit mes pieds, je ne sais plus trop. À ce stade j’ai même l’impression que les racines sortent de terre pour venir se placer juste devant mes pieds. Je bute dans la plupart d’entre elles et l’onde de choc me remonte juste dans le crâne. Je pousse de toutes mes forces à chaque pas, mes bras participent au maximum à cette poussée à l’aide des bâtons. Plus d’une heure plus tard nous arrivons au sommet et nous arrivons encore à courir pour rejoindre le point de ravitaillement. Mon estomac est toujours noué et en désespoir de cause je me dis qu’une ou deux gorgées de bière sans alcool ne pourront pas me faire plus de mal, en plus j’en ai extrêmement envie, comme si mon estomac me le demandait avec insistance. Eh bien quelle ne fut pas ma surprise de constater un réel bien-être lorsque mon ventre se dénoua quasi instantanément. C’est donc ça, et je comprends alors ce qu’il lui a manqué à cet instant, c’est la diversité de l’apport hydrique. Aussitôt, je me précipite vers l’autre table et demande un verre de soupe, puis un deuxième. Excellent, je me sens de mieux en mieux, je me retourne alors et demande un verre de chocolat chaud, hummmm un délice, je peux ressentir la chaleur de cette boisson me parcourir. Un problème de résolu, je suis physiologiquement beaucoup mieux. Par contre, musculairement, je ne peux plus rien y faire. De même pour la fatigue psychologique et le manque de sommeil mais rien ne me fera reculer ou arrêter. Il est temps de repartir, j’ai une ligne d’arrivée à franchir !

Nous courons sur le plateau puis nous amorçons la dernière descente longue de 2 kilomètres et 400m de dénivelé négatif. Bien sûr tout cela ne sera qu’une partie de ce qui nous attend réellement. Cette descente comporte également des montées, la pente est tellement raide, qu’il y a des cordages pour nous aider à ne pas tomber, nous longeons un ruisseau qui rend le sol boueux et les pierres glissantes et enfin il y a comme des marches de géants qui mettent à l’épreuve nos tendons. Cette dernière descente fut terrible au point que notre vitesse de progression était moins importante que lorsque nous étions en côte.

La ligne d’arrivée est en visuel, je peux encore courir mais ça n’est que par pur automatisme, les douleurs traversent tout mon corps mais en réalité je ne ressens plus rien depuis bien longtemps, les douleurs sont juste là pour me dire de courir moins vite. Je franchis la ligne d’arrivée de l’endurance trail de Millau avec mon beau-frère, le moment est magnifique, je souris, je pleurs, je saute de joie, je crie et tout cela je le vis de l’intérieur car à l’extérieur je suis trop fatigué pour le faire, après mon premier ultra trail de plus de 100 kilomètres c’est normal je crois.

Je tiens à remercier toutes les personnes qui m’ont soutenu et encouragé durant toute la journée. Durant les ravitaillements j’ai essayé de vous tenir informés mais comme ma montre, le téléphone s’est éteint avant la fin. Je remercie Yann, Nico, Jim, Christophe, Nathalie (qui a veillé jusqu’à la fin), Guillaume, Karo, Rodrigue (qui ne dormait toujours pas à 4 heures du matin pour nous demander si ça allait, incroyable), Petit Claude et ma femme Caroline qui n’a pas hésité à garder son téléphone près d’elle au boulot et qui a veillé et animé Facebook pour donner de mes nouvelles.

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